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Touboulic Pierre-Marie

Ce blog concerne la vie d'un brestois du XIXe siècle, Pierre-Marie Touboulic: ses activités, ses relations professionnelles et personnelles.

Publié le 19 Juin 2013

7. LE VÉLOPOSTE : UN EXEMPLE D'INVENTION SANS RAPPORT
AVEC LA MARINE
7.1.L'analyse de Touboulic sur les différents moyens de transport et le
dépôt de son brevet
L'une des préoccupations des sociétés occidentales du début du XIXe siècle était le
développement des moyens de transport de marchandises et de personnes. Toujours à l'écoute de ses contemporains, Pierre-Marie réfléchit à un moyen de transport économique, facilement exécutable quelles que soient les conditions imposées par le milieu et d'entretien aisé. Ces mêmes objectifs étaient visés pour la plupart de ses inventions et perfectionnements.
Le système de transport qu'il propose n'utilise aucune énergie qu'elle soit fossile ou électrique. Il fonctionne uniquement à l'aide de balanciers se mouvant par l'action du déplacement et du poids de la nacelle de transport. La nacelle, qui dispose de quatre places, se déplace sur un câble de fils de fer entre les différents balanciers.
Touboulic obtint un brevet de quinze ans en 1838 pour son système qu'il nomma
« vélociposte », qui se transforma très vite en « véloposte ». Mais l'arrivée de la machine à vapeur et du réseau ferré français empêcha le développement de son invention. Dès le départ, Pierre-Marie eut conscience que son système ne pouvait lutter contre le chemin de fer dont le développement était soutenu par des sociétés qui y avaient investi d'importants capitaux, et le chemin de fer répondait au besoin de déplacement en masse de centaines de personnes, ce que son système ne pouvait proposer.
Touboulic avait tout de même un avis critique sur le train, son analyse52 mettait en lumière plusieurs défauts de ce moyen de transport dont la réalité fut ultérieurement démontrée par les faits :
– risques encourus par les voyageurs lors d'accidents tels que déraillement, explosion de la motrice, choc de machines l'une contre l'autre … ;
– coût des infrastructures (frais d'étude, achat de terres, coût des locomotives, du fer des
rails, des wagons, …) ;
– impact sur la population (expropriations, dérangement des cultures, …) ;
– coût de la maintenance (employés, surveillance, réparations continuelles, …) ;
– coût de la desserte de petites villes qui entraînera plus tard la suppression de plusieurs
gares et la disparition de nombreuses lignes secondaires ;
– impossibilité de s'arrêter hors gare et donc de devoir associer ce moyen de transport à
d'autres, ce qui réduit le gain de temps et augmente le coût qu'il était censé améliorer.
Il est surprenant que ces problèmes, identifiés dès la naissance du chemin de fer, soient toujours d'actualité au XXIe siècle.
52 Touboulic, Pierre-Marie, 1839, Véloposte ou chemin Touboulic , BNF cote VP-7405
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7.2.Principe de son véloposte et analyse de ses différentes parties
Pierre-Marie ne se laissa pas décontenancer par l'importance prise pas les chemins de fer. Il avait confiance en son système et avait la certitude de son utilité. Il est important de rappeler qu'un dépôt de brevet coûtait aux alentours de 1 550 francs53, soit davantage que la rémunération mensuelle de Pierre-Marie à l'époque. Il pensait donc que, si son invention ne pouvait concurrencer directement la machine à vapeur, elle pouvait être utilement proposée à ces sociétés dans l'objectif d'apporter des solutions pour minimiser certains des problèmes évoqués supra.
C'est pourquoi il transforma les faiblesses apparentes de sa machine en avantages. Aucun des défauts imputés au chemin de fer, dont il avait lui-même établi la liste, ne pouvait être reproché à sa machine. Il démontrait ainsi l'intérêt de son invention.
Pierre-Marie a basé sa machine sur le principe du plan incliné de Galilée et des Tarabites utilisé en Amérique et par les montagnards de l’Himalaya54. Ce principe consiste à tendre une corde entre deux points pour permettre le passage d'un point à l'autre en se laissant glisser le long de la corde.
Attentif aux différents brevets déposés à son époque, il fait référence à celui de Le Bouyer de Saint-Gervais Bernard en 1826 nommé appareil mécanique appelé voltige, propre à remplacer,
dans les jardins publics, le jeu des montagnes russes55. Mais ces appareils brevetés ne constituent pas un système complet à eux seuls, contrairement au sien qui est censé se suffire à lui-même.
Le système de Touboulic était constitué de plusieurs plate-formes56, toutes basées sur le principe de balanciers, qui permettaient de changer le degré l'inclinaison de la corde au passage de la nacelle de transport. Il proposa deux versions lors de son brevet, la première au moment du dépôt et la seconde six mois plus tard, en réponse à une demande de précision. Voici la description de trois des plate formes décrites dans la seconde version du brevet.
53 Recueil de lois, décrets et ordonnances sur les brevets d'inventions, 1831, p 12
54 Société de géographes et hommes de lettre, 1838, L'Amérique septentrionale et méridionale, édition Etienne Ledoux
55 http://bases-brevets19e.inpi.fr/ cote 1BA2415
56 http://bases-brevets19e.inpi.fr/ cote 1BA6239

Il est à noter que deux autres plate-formes, plus complexes, étaient proposées.
7.3.Les différents essais et une officialisation de sa fonctionnalité
Le système du véloposte de Touboulic n'est pas qu'une utopie restée à l'état de projet. Pierre-Marie l'a testé à plusieurs occasions. Dans son manuscrit de 185857, il évoque un premier essai lors de l'installation d'un plan en relief de Brest conçu par lui-même, en janvier 1827 (une erreur de date, la création du musée eu lieu fin 1828) au Musée de la Marine du Louvre qui venait de se créer.
Dès décembre 1833, Pierre-Marie avait tenté de mettre son système en application à Rochefort.
Une demande d'autorisation avait été faite au ministre de l'Intérieur pour entreprendre un
passage de la rivière à Martrou et à Soubise. Il suggérait au ministre d'employer une subvention accordée pour le chemin de fer, mais sa demande fut refusée.
Le premier essai officiel eut lieu dans le bois de Bordenave du 3 au 12 octobre 1838, devant les autorités civiles et militaires brestoises et finistèriennes, en présence de nombreux habitants.
Touboulic en obtint un certificat, daté du 15 octobre 1838, contenant une cinquantaine de
signatures de personnalités des différents milieux dirigeants. Ce certificat fut vu pour légalisation
57 Touboulic, Pierre-Marie, 1858, Véloposte, nouvelle voie locomotive, chemin sur cable-rail mobile en fils de fer,
Breteau, BNF cote VP-18903

Figure 24 : déniveleur à colonne
Il est à noter que deux autres plate-formes, plus complexes, étaient proposées.
7.3.Les différents essais et une officialisation de sa fonctionnalité
Le système du véloposte de Touboulic n'est pas qu'une utopie restée à l'état de projet. Pierre-Marie l'a testé à plusieurs occasions. Dans son manuscrit de 185857, il évoque un premier essai lors de l'installation d'un plan en relief de Brest conçu par lui-même, en janvier 1827 (une erreur de date, la création du musée eu lieu fin 1828) au Musée de la Marine du Louvre qui venait de se créer.
Dès décembre 1833, Pierre-Marie avait tenté de mettre son système en application à Rochefort.
Une demande d'autorisation avait été faite au ministre de l'Intérieur pour entreprendre un
passage de la rivière à Martrou et à Soubise. Il suggérait au ministre d'employer une subvention accordée pour le chemin de fer, mais sa demande fut refusée.
Le premier essai officiel eut lieu dans le bois de Bordenave du 3 au 12 octobre 1838, devant les autorités civiles et militaires brestoises et finistèriennes, en présence de nombreux habitants.
Touboulic en obtint un certificat, daté du 15 octobre 1838, contenant une cinquantaine de
signatures de personnalités des différents milieux dirigeants. Ce certificat fut vu pour légalisation
57 Touboulic, Pierre-Marie, 1858, Véloposte, nouvelle voie locomotive, chemin sur cable-rail mobile en fils de fer,
Breteau, BNF cote VP-18903
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Touboulic ne donne pas
d'explication sur le retour à la
position initiale, c'est-à-dire à
la position de la détente
avant le passage du chariot.
le 5 février 1839 et confirmé par la signature de Fleury, maire de Brest, et du sous-préfet du Finistère Cocagne. Il semble que l'expérience ait été poursuivie en 1839 pendant trois mois sur les remparts du fort Bouguen, 800 personnes en ayant bénéficié avec un avis favorable 5. Le 15 août 1839, les généraux Gourgeaud et Athallin accompagnèrent Pierre-Marie devant le roi Louis-Philippe afin de présenter son invention à ce dernier qui s'intéressa de près à son fonctionnement et l'en félicita 58.
L'essai de 1838 était prévu comme une animation pour la visite du prince de Joinville venu rendre hommage au port qui l'avait formé. Des difficultés matérielles et des problèmes techniques retardèrent la démonstration. Aidé par ses amis et relations, Pierre-Marie finit par obtenir un soutien matériel de la Marine qui, selon le journal L' Armoricain du 11 octobre 1838, lui fournit « quelques livres de fer et quelques pieds cubes de bois pourris ». Cet essai éprouva son système par le déplacement d'une charge de 75 kg sur une distance de 340 m à la vitesse que l'on peut estimer aux alentours de 26 km.h-1(330 mètres en 40 à 50 secondes). Cette vitesse devait potentiellement doubler ou tripler avec une charge supérieure. On pensa s'en servir pour transporter les malades de l'hôpital jusqu'au bois se trouvant en face, sur l'autre rive, ou encore pour véhiculer les bagnards en un minimum de temps. Le journaliste imagina même que le système de Touboulic pouvait résoudre le problème de la liaison entre Brest et Recouvrance,
grande préoccupation de l'époque qui avait suscité divers projets de ponts dont Pierre-Marie s'occupa par ailleurs. Dans le même article, on entrevoit la possibilité de relier Brest à Paris en une dizaine d'heures pour un coût de dix francs.
Jusqu'à la fin de sa vie, Pierre-Marie Touboulic a cru en l'utilité de son système en complément du chemin de fer. Dans sa notice de 1858, un an avant son décès, il écrit qu'« un spécimen du véloposte (modèle en petit) avec les perfectionnements qui lui ont été ajoutés par le dernier brevet de 1857 est établi dans un jardin particulier à 10 minutes de Paris, et servira à donner l'idée de tous les mouvements qu'opérera l'appareil en grand, et de tous les obstacles qu'il pourra vaincre. »
7.4. Un système obsolète dès son apparition mais …
Le chemin de fer tua à petit feu le projet du Brestois qui y a cru pourtant pendant près de trente ans, et cela malgré le soutien de la population et de ses supérieurs. Il ne pouvait répondre à la demande de déplacement en masse de personnes et de matériels, importance cruciale jusqu'à nos jours.
Son système n'a pas été pris au sérieux, sans doute considéré comme une attraction de jardin public, à l'instar de l'invention de Le Bouyer de Saint-Gervais. De plus, la société qu'il avait lancée pour financer son projet n'était sans doute pas viable sur le plan économique : elle proposait des actions provisoires de la valeur d'un billet de spectacle.
Pierre-Marie voyait une utilisation de son système dans les pays en voie de développement car il n'utilisait aucune énergie. Il serait intéressant de le redécouvrir à notre époque où la pollution et la baisse des ressources énergétiques commencent à devenir problématiques. Le développement actuel des téléphériques dans nos villes et les réflexions des architectes contemporains lorsqu'ils imaginent la ville du futur vont dans ce sens. Précisément, à l’occasion de la Semaine du développement durable (qui se déroula du 1er au 7 avril 2013), Eiffage, le numéro quatre européen du BTP, présenta le 4 avril lors d’un colloque organisé à Paris, salle Wagram, sa vision innovante de la ville durable à l’horizon 2030, en partenariat avec Dassault Systèmes, leader
58 Journal de Rheims du 20 août 1839
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mondial des logiciels de conception 3D, et POMA, l’un des leaders mondiaux du transport par câble 59.
Des déplacements urbains sur des câbles à la force des mollets du voyageur sont même
envisagés60 pour les villes du futur en 2050. Affaire à suivre ...
59 http://www.eiffage.com/files/Developpement
%20durable/dossier_de_presse_colloque_ville_durable_du_4_avril_2013.pdf
60 Journal de 20 h de France 2 du 29 avril 2013 : « urbanisme : les villes en 3D »

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